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Ces
médecins qui développent
Ils sont une
trentaine répertoriés sur le site de la MASEF (Médecins auteurs de sharewares
et freewares). Ce qui ne représente vraisemblablement que la partie émergée
de l'iceberg des médecins s'étant mis, par plaisir ou par obligation, au développement
informatique. Mordus d'informatique ou simplement déçus par l'offre du marché,
ces praticiens ont une doctrine commune : « l'informatique simple et pas chère
».

Dr Christian Courdy
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Dr Philippe Cadic
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Dr Tran Tuan Anh
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Qu'est-ce
qui peut bien faire courir les médecins, toujours plus nombreux, qui se lancent
dans la programmation et le développement d'outils logiciels ? Une passion pour
l'informatique ? Une indicible envie de rester indépendant ? Sûrement un peu
de cela, mais en fait, tous, à leur manière, ont été poussés par la nécessité
de combler un vide dans l'offre du marché. C'est typiquement le cas du Dr
Cyril Chazelet, chirurgien viscéral cancérologue à Issoudun, qui a développé
avec File Maker, « Media-Surg » un logiciel répondant à ses besoins
spécifiques de suivi des fichiers chirurgicaux des patients. « En
informatique pour les chirurgiens, c'est le désert complet car les logiciels du
marché sont très loin de nos préoccupations et comme ils sont verrouillés,
on ne peut pas les adapter », confie ce praticien. A partir de File Maker,
le Dr Cyril Chazelet a donc mis au point un outil permettant d'entrer facilement
des comptes rendus type, des rapports de sortie, des résultats d'anapathologie,
des observations et de générer des statistiques. Bref, un outil comprenant près
de 500 rubriques, 12 fichiers liés entre eux, adapté à la pratique des
chirurgiens.
Le choix de File
Maker, que l'utilisateur de « Media-Surg » doit avoir sur son ordinateur, présente
l'avantage d'un produit simple à utiliser, laissant l'utilisateur libre
d'adapter facilement le shareware à ses propres besoins. En outre, le shareware
tourne sur Mac et PC, Filemaker étant équivalent (à quelques différences
d'ergonomie près) sur les deux plates-formes (et pas cher : 800 F).
Compatibilité et facilité de développement, deux arguments que le Dr
Christian Courdy reprend volontiers à son compte, lui qui utilise
aujourd'hui un logiciel s'appuyant également sur Filemaker. Représentant la
communauté Mac, ce praticien a commencé à développer un outil, il y a
longtemps, en attendant un outil de marché plus performant. «
Malheureusement, les solutions proposées par les éditeurs se sont avérées,
lourdes, complexes et chères. Résultat, on se sert d'un logiciel coûteux à
25 % de sa capacité. Cela a freiné les médecins dans leur informatisation »,
commente-t-il. Le Dr Courdy explique cette réaction par le caractère indépendant
des médecins, mais évoque aussi la mauvaise démarche des éditeurs qui a
consisté souvent à imposer une pratique médicale. « Il me semble
important d'offrir un outil simple et surtout adaptable à la main du médecin
et non le contraire. »
« Je revendique pour les médecins la liberté de d'organiser leur travail
comme ils le veulent », insiste pour sa part le Dr Pierre Elzière,
généraliste à Sète, auteur notamment d'un logiciel développé sous visual
dbase, Applimed pour la gestion de cabinet et du logiciel Planimed,
pour la gestion des tours de garde de médecins libéraux. « En développant
avec ce langage, choisi pour sa compatibilité, je m'assure que l'on peut réutiliser
les données, qu'on n'est pas coincé avec un format propriétaire si l'on veut
changer son fusil d'épaule ensuite. »
Du jeu à la passion
Il n'en demeure pas
moins qu'entre avoir besoin d'un outil et le développer, le pas est quand même
assez grand. Et si le Dr Chazelet n'avait jamais touché à l'informatique de
base, si le Dr Elzière parle du côté ludique de l'informatique, beaucoup des
praticiens auteurs de logiciels ou d'utilitaires (qui sont la plus grande part
des produits proposés) avouent s'être pris de passion pour l'informatique de
base. « C'est un peu le challenge de la nouveauté qui m'a attiré »,
explique ainsi le Dr Roger Remblain, développeur prolixe de modules médicaux
et non médicaux (le cryptage, le traitement de texte, comptabilité, etc.). Le Dr
Tran Tuan Anh, généraliste, est, quant à lui, tombé dans la
programmation il y a dix-huit ans. Au début, il développe juste pour le
plaisir, puis se prend au jeu au point de créer il y a deux ans son entreprise,
tout en gardant son cabinet. « Si l'on veut diffuser, maintenir le logiciel,
il faut une structure », explique-t-il. Mais la vocation du développeur
indépendant reste intacte : il s'agit de mettre au point les outils manquants
sur le marché et de les mettre à disposition à peu de frais pour la
profession. Aujourd'hui, le catalogue du Dr Tran comporte DocKit, une
aide à la consultation puissante et Néocortex (encore à l'état de
prototype) qui est une aide au diagnostic. Autre mordu de l'informatique, le Dr
Philippe Cadic, a découvert Linux il y a quatre ou cinq ans. En fin
d'Internat à Montargis, ce médecin programme depuis près de vingt ans et
envisage même de créer une société d'informatique médicale, tout en gardant
comme le Dr Tran, la volonté de continuer à offrir à tous ses confrères des
produits gratuits et notamment le freeware en développement pour la gestion des
dossiers patients. L'entreprise gérera notamment un site (déjà monté) visant
à favoriser gratuitement les contacts entre médecins remplaçants et médecins
installés.
Accessibles à tous
Payants ou gratuits,
les logiciels développés par ces médecins se veulent avant tout accessibles
à tous. L'esprit du médecin-auteur est plus proche de l'esprit « club » que
de la « start-up » façon nouvelles technologies. Si quelques outils sont
payants (du prix d'une consultation à quelques centaines de francs), c'est
souvent davantage « pour donner une valeur au produit », explique le Dr
Roger Remblain, généraliste mordu d'informatique. D'ailleurs, les produits du
Dr Remblain, notamment son best-seller, Memdoc, un aide-mémoire compact
et facile à utiliser (voir rubrique « Le share ware du mois » en page ) est
à peine bridé dans sa version téléchargeable (juste deux modules bridés) et
peut être parfaitement utilisé comme cela. Le Dr Pierre Elzière, après avoir
diffusé son produit en freeware (300 utilisateurs officiellement recensés), a
lui aussi opté pour une participation symbolique (115 F) pour compenser
l'afflux des demandes d'informations qui lui prend du temps. Mais dans
l'ensemble, les médecins développeurs ne veulent surtout pas entrer dans le
schéma qu'ils ont dénoncé en se mettant au clavier. Et Philippe Caduc résume
assez bien la volonté de ceux qui n'ont pas trouvé chaussures à leurs pieds
sur le marché : « L'idée est de proposer une nouvelle conception de
l'informatique aux médecins et de véhiculer l'information selon laquelle
l'informatique n'est pas synonyme d'eaux aussi troubles que précieuses. »
Cécile CLICQUOT
DE MENTQUE
Pour en savoir plus :
Site de la masef, http://www.masef.com
(Tous les logiciels et tous les e-mail et sites des médecins auteurs)
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